La chaîne qui unit en cet instant ceux qui ont pu se libérer est plus ample que ce bel espace Corbin dont notre ami était si fier. [. . .]

Il n'y a pas hasard à l'ampleur de l'hommage rendu à Didier Bianchi dont la presse a fait écho avec force et finesse, et dont la famille et les compagnons m'ont demandé d'être le témoin :

l'hommage est à la hauteur de celui qui nous quitte.

Il y a l'homme, il y a la cité et plus largement le bassin et le Pays, il y a l'engagement et les valeurs qui la fondent. Il y a enfin après une page tellement difficile à tourner, la suite à écrire.

L'homme : bien sûr, cette cochonnerie de maladie a une nouvelle fois été la plus forte pour anéantir nos espoirs les siens et ceux de ses proches ; mais c'est à un homme, un responsable et un militant debout que nous pensons ici parce que jamais le courage et la dignité n'ont manqué... (pourrait-on en témoigner jusqu'à son chat noir veillant sereinement sur lui jusqu'au départ de la maison).

Debout et à l'ordre : celui naturel des choses, celui des valeur partagées, celui des convictions acquises et travaillées avec d'autres parce que l'ouvrage n'est jamais terminé. Qu'il s'agisse de l'assistance envers les faibles, de la justice envers tous, de dévouement envers les siens, envers le pays et l'humanité de défense de l'idéal laïc et républicain, de dignité envers soi-même, Didier a agi tranquillement, patiemment, fermement avec raison, tolérance et fraternité.

L'école, la formation, le métier, l'engagement associatif et militant, rien n'est fruit du hasard, ces choses là prennent racine tant dans les lieux que dans la famille. Didier n'était pas peu fier du grand-père chargé de l'administration de la ville à la libération.

C'est honneur et bonheur d'avoir pu partager avec cet homme là, dans la réflexion comme dans l'action, dans les moments de détente comme dans les coups de gueule, dans l'approche économique comme dans l'aide aux plus démunis, dans la rigueur financière comme dans la prise de risques, dans le soutien aux entreprises comme dans l'attention aux jeunes et aux demandeurs d'emploi... Nous avons bénéficié de son charisme tout comme de sa capacité à écouter, de sa volonté de comprendre avant de s'engager, de son jugement intervenant toujours après une solide maîtrise du dossier traité, de son désintérêt pour les effets de groupe, de mode ou de circonstances, de son goût de faire au service de l'intérêt général, de sa convivialité n'excluant jamais la franchise voire le coup de colère (Didier était un bon vivant, mais Didier ne disait jamais "zut" quand on lui pinçait le doigt dans la porte).

Entendez-vous comme moi le son de sa voix ? Entendez-vous comme moi l'éclat de son rire ?

Tout cela pourrait faire légende sous la photo souriante publiée dans l'Est Républicain; en un seul mot : authenticité.

La cité.

C'est peu dire que Didier a aimé et servi sa ville de Liverdun en équilibrant toujours ambition et rigueur financière (pour éviter les exemples trop locaux... Liverdun on le sait n'est pas Neuilly).

C'est peu dire que Didier a su par l'exemple prouver que la force du projet communal n'était pas en contradiction avec une solide démarche de coopération intercommunale. Et que cette efficacité intercommunale devait articuler la vallée de Pompey, tant avec le développement de l'agglomération de Nancy qu'avec le Pays du Val de Lorraine, au cœur de l'espace central régional.

Tant les élus régionaux et départementaux que les acteurs politiques et socio-professionnels du Pays, ont pu apprécier au-delà de toute autre considération, la capacité de Didier Bianchi, à se projeter 10/15 ans en avant pour pointer les enjeux majeurs du territoire, la force de conviction permettant de mettre ces enjeux en perspective, de concilier réalisme économique et solidarité entre les communes et entre les habitants.

Dans "De l'angoisse à l'espoir", Albert Jacquard dit de l'architecte : "n'ayant d'autre choix que de faire un projet pour demain, tout homme doit adopter le comportement de l'architecte qui, lorsqu'il décide des fondations de la maison, sait déjà comment sera le toit. Le "toit" de la maison humanité, ce sont les générations à venir. Les fondations, nous les creusons par nos décisions d'aujourd'hui".

Avec Didier, la patiente explication pour provoquer l'adhésion n'a jamais exclu, quand c'était nécessaire, le passage (un peu) en force, si l'intérêt général nécessitait l'anticipation, au risque de l'incompréhension passagère, suivie de la reconnaissance a posteriori. Si un dossier d'actualité  peut témoigner de cette pugnacité, c'est bien celui des Brasseries de Champigneulles.

Chefs d'entreprises, acteurs associatifs et sociaux, élus et professionnels communaux et intercommunaux disent avec respect combien cet homme là avait su prendre la dimension de la responsabilité qui lui avait été confiée et la perte que constitue son départ. [. . .]

Mais l'heure n'est pas au découragement. Parce qu'il y a l'engagement et les valeurs qui l'animent. Il y a les valeurs humanistes qui dans notre république, au-delà des choix de chacun, permettent sur le triptyque de Liberté, d'Égalité et de Fraternité, l'exercice de la tolérance, elle-même inspiration de l'idéal de laïcité. Cette République laïque : "assurant selon Jean Jaurès la liberté et la raison dans l'éducation des consciences tout comme la liberté intime des esprits".

Didier a entretenu ce souffle par la clarté de son engagement socialiste que je souhaite ici saluer au nom de ses camarades et de son parti.

C'est parce que ses convictions étaient simples et solides que Didier pouvait animer au quotidien la recherche tolérante de l'unité dans l'action, c'est pour cela qu'il n'a jamais cédé à l'air du temps en laissant croire que l'engagement n'aurait plus d'utilité. [. . .]

L'homme, la cité, les valeurs, il est venu l'instant du passage. Passage entre ce que nous avons à retenir des combats et de l'exemple d'un homme et ce que nous avons à écrire demain. Dans quelques jours, avec courage, la ville et l'intercommunalité devront reprendre leur travail. Sa famille devra vivre en son absence.

Au nom de tous ses amis, je veux d'abord dire merci. A tous ceux qui ont accompagné Didier pour que la dignité soit absolue.

Je pense à Nadine, je pense à ceux qui l'ont aimé, à ceux qui l'aiment et qui l'ont accompagné ensemble.

Il était fier de son fis. Il a été heureux de la réciproque. Un jour, la descendance évoquera Didier avec la même fierté qu'en évoquant ce maire de Liverdun à la Libération.

La ville, la communauté de communes, le Pays, ont à reprendre les outils et le chantier ensemble.

C'est ainsi qu'au-delà de la tristesse nous auront osé la sérénité.

Didier, salut et Fraternité ! ! !

Michel Dinet

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